Burundi: Harcelés, les leaders de l’opposition fuient (suite)
Décidément, les leaders de l'Alliance des Démocrates pour le Changement (ADC) sont dans l'impasse. Hier,
c'était la fuite d'Agathon Rwasa, aujourd'hui, c'est le tour de Léonard
Nyangoma. "Demain ce sera quelqu'un d'autre", s'inquiète Anicet
Niyonkuru, président du parti CDP et membre de l'Alliance. Pourtant Agathon Rwasa avait déclaré qu'il ne rêvait pas de retourner au maquis. Le Chef d'Etat-major de l'armée, le Général major Godefroid Niyombare, a déclaré que M. Rwasa est un civil comme les autres. (C'était lors de la conférence de presse en rapport avec l'intervention de l'armée à Ruziba). Le parti au pouvoir a largement remporté les élections. Il a la majorité exigée pour délibérer et voter des lois au Parlement. En muselant l'opposition, le pouvoir CNDD-FDD risque d'entrer en conflit avec la communauté internationale. En cherchant des opposants au sein de la population, les forces de l'ordre seront tentées d'user de la force. Et il n' y a jamais d'équilibre de force entre un militaire armé et une population civile. Gare à un vote sanction dans cinq ans! |
Vénérand Ndikumasabo: « Les policiers devaient se munir d'un mandat de perquisition avant d'entrer dans ma maison.» @Iwacu |
« J'ai été surpris de trouver le commissaire de police dans ma chambre alors qu'il n'avait pas de mandat de perquisition», s'étonne Vénérand Ndikumasabo. Ce sexagénaire de la colline Kirasa, commune Muhuta, indique que plusieurs policiers ont encerclé et fouillé son domicile vendredi 23 juillet, alors qu'il n'était pas à la maison. Selon ses dires, il ne s'attendait pas à cette fouille parce qu'aucun problème ne se posait: « C'était vers 7h30min. Je faisais les travaux champêtres. » Il précise qu'il a remarqué une présence inhabituelle de policiers à son retour: « Certains étaient autour de ma maison, d'autres à l'intérieur, en train de fouiller dans les chambres. » D'après Vénérand Ndikumasabo alias Rusoro, ces policiers ont indiqué qu'ils étaient à la recherche d'Agathon Rwasa et 27 autres personnes ayant passé la nuit dans cette maison. Il ajoute que c'est un certain David, travaillant comme informateur du service national des renseignements qui était devant. Pour Ndikumasabo, les policiers ont vidé les lieux quand il a exigé au commissaire d'exhiber le mandat de perquisition signé par le procureur de la République.
«Nous sommes toujours victimes »
Zita
Nyandwi, femme de Vénérand Ndikumasabo parle d'autres fouilles qui
visaient le même ménage: « Depuis 1998, lors des affrontements des
militaires et les groupes rebelles, mon mari et mes enfants étaient
souvent arrêtés. » Zita Nyandwi et son mari se demandent pourquoi c'est
toujours leur maison qui est visée. Ils soupçonnent déjà un certain
Amos Ntahomvukiye-un voisin- qui serait parmi ceux qui fournissent de
mauvaises informations aux forces de l'ordre suite aux conflits
fonciers. Ce couple fait savoir que leur maison est dans un état de
délabrement parce que toutes les attaques des militaires la visaient.
Ils demandent aux hautes autorités de les dissocier de la politique:
« Nous n'adhérons à aucune formation politique et nous n'avons jamais
vu Rwasa de nos propres yeux. » Leur souhait est que la police arrête
de les malmener et de vérifier si leurs informateurs leur donnent de
vraies informations.
Nyangoma aurait-t-il rejoint Rwasa?
Anicet Niyonkuru: "Prochainement, ce sera un autre qui sera menacé " @Iwacu
« Léonard
Nyangoma n’est pas en fuite ou en exil », lance Anicet Niyonkuru,
président du parti CDP et membre de l’ADC-IKibiri. Il affirme qu’au
lendemain du dépôt de la plainte du ministre de la Défense nationale et
des Anciens Combattants auprès du procureur général de la République,
Léonard Nyangoma a vu sa garde changée. « Les anciens membres de sa
garde ont passé toute une journée sous interrogatoire pour connaître
ses fréquentations et ses habitudes. Nous avons aussi été informés que
le procureur général de la République aurait demandé au bureau de
l’Assemblée nationale de lever l’immunité parlementaire de Léonard
Nyangoma pour qu’il puisse être arrêté », signale-t-il. Selon lui, des
gens d’un niveau très élevé (ministère de la Justice et Service
national des Renseignements et des hauts responsables de ce pays) ont
dit que Nyangoma devrait être arrêté entre le 21 et 25 juillet dernier.
Le
président du parti CDP soutient que par peur d’être arrêté injustement,
il a quitté son domicile. « On a vu des policiers qui ont circulé,
cherché et interrogé toutes les personnes rencontrées soit à son
domicile soit à sa permanence. Même s’il est injoignable, nous sommes
sûrs qu’il est au pays », conclut-il.
Pour Anicet Niyonkuru, il y
a une sorte de stratégie de la stratification : « On a commencé par
chercher Agathon Rwasa, le membre le plus influent de l’ADC.
Maintenant, c’est au tour du porte-parole, Léonard Nyangoma. Cela fait
bientôt une semaine qu’il ne dérange plus : c’est ce qui plaît au
pouvoir. Prochainement, ce sera quelqu‘un d’autre qui sera menacé. »
E. Ngabire, D. Hakizimana, G. Mbonimpa & L. Sikuyavuga